« C’est un moment important pour travailler avec les nouvelles générations et déclencher une énergie différente sur le plateau » Silvia Costa

 Pour mener à bien notre travail de recherches, nous avons interviewé la metteuse en scène Silvia Costa afin de vous expliquer les choix faits pour la mise en scène et ses enjeux. La jeune metteuse en scène italienne s’est alors confiée à nous : 

     Pour remonter la genèse du projet, Silvia Costa nous a délivré sa recette secrète pour créer une mise en scène d’opéra ex nihilo. Lorsqu’elle a appris qu’elle allait devoir imaginer un spectacle à partir de l’opéra Arche de Noé, la jeune femme s’est emparée du livret de Britten et des morceaux de l’oeuvre originale. L’inspiration n’est en aucun lieu due à une furor poétique mais bien à un travail précis et consciencieux des textes et de la musique. Silvia Costa avoue débuter son processus de création par une réflexion sur ses premières impressions. L’écoute attentive du morceau doit “appeler” quelque chose en elle et ainsi l’enthousiasme de l’inventio se fait jour. De surcroît, ses sources d’inspiration sont variées puisqu’elle nous a raconté que tous les arts picturaux mais aussi musicaux, ainsi que les textes écrits à propos de cet opéra pour enfants sont autant de matières propices à la conception de sa mise en scène. Suite à ces nombreuses recherches, Silvia Costa accorde une grande importance à l'esthétique des éléments de mise en scène et des corps, imaginés dans un espace. Elle nous a ensuite appris que son travail est de plus en plus minutieux, scène par scène, étape par étape et qu’il se réalise et prend vie lors des premières répétitions avec l’ensemble des acteurs du projet. Les enfants ainsi que les rôles adultes et les autres membres participant au projet suivent les recommandations de la jeune metteuse en scène, qui crée sa mise en scène au fur et à mesure des rencontres avec eux. De la quête documentaire menée à son terme, découlent des formes et des esthétiques qui -dans le cas de ce projet- se sont imposées d’elles-même.   

     L’ensemble de la représentation met en scène la Maîtrise de l’opéra de Lyon donc les enfants sont les éléments indispensables du spectacle. Silvia Costa nous a rapporté qu’elle avait créé des installations pour des enfants mais que depuis quelques années, elle appréciait travailler intensément avec ces enfants pleins d’énergie, qu’elle considère comme de véritables professionnels. La jeune femme nous a ensuite révélé que son travail de création de la mise en scène était conçu pour n’importe quel type d’acteurs. Elle avoue ne pas avoir choisi une esthétique propre à des enfants mais elle note l’enjeu d’une beauté esthétique nécessaire à tout âge. Le travail de décor a été minutieux puisqu’il a fallu créer un bateau et une arche majestueux. Quant au casting, elle l’a effectué avec la cheffe de chœur et d’orchestre Karine Locatelli. La metteuse en scène a observé des solos de mouvements et a ainsi désigné près de soixante élèves, répartis dans deux distributions. La jeune femme a dû s’adpater aux acteurs du projet et a donc fait le choix de proposer une distribution A avec de jeunes enfants qui n’ont pas encore mué et d’autres plus grands et dont la voix est bien différente. Pour résumer, nous choisirons une formule empruntée à Silvia Costa, les enfants de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon sont des “matières artistiques”.

 

“C’est vraiment une entrée dans un autre monde et il fallait que le public traverse aussi ce seuil et vive cette expérience passée d’un espace public à un espace privé” Silvia Costa

     Nous l’avons également interrogée sur le contenu de la mise en scène et surtout sur une particularité : le spectacle comporte deux parties, dont la première se déroule à l’extérieur. Le premier moment intitulé A ceremony of carols reprend une autre œuvre musicale du compositeur britannique, traditionnellement chantée par des chœurs. Silvia Costa a produit une mise en scène inouïe aux deux sens du terme puisqu’il fait l’objet d’une attention particulière portée aux déplacements, accessoires ainsi qu’aux enfants acteurs et chanteurs. Il est important de rappeler que le livret de Britten a été adapté en français par le dramaturge Simon Hatab. La jeune femme avait dans l’intention de faire participer les gens à une “fête paienne” à laquelle sont invités aussi bien les personnes du public ayant acheté leur place pour le spectacle, que les promeneurs marchant autour du théâtre au moment de la représentation. Suite à ce moment fabuleux de partage, les spectateurs de l’opéra vont se rassembler pour entrer ensemble dans le théâtre, qui représente métaphoriquement l’arche. Cette intention artistique a été responsable de quelques contraintes techniques : difficultés logistiques pour le public mais aussi problème quant à la température extérieure et le choix de la harpe pour accompagner les enfants. Il s’agit d’un instrument à cordes, dont celles-ci cassent à de très basses températures… Heureusement, l’équipe artistique et Mr Tugaut ont trouvé des moyens de pallier cette contrainte et de préserver la harpe. 

Pour moi dans tous les cas, 

il faut qu’on essaye, 

donc on y va on le fait ! 

Silvia Costa

    Le projet créé de toutes pièces par Silvia Costa est donc une mise en scène qui porte un certain message sur la situation climatique actuelle. Le mythe du déluge a connu de nombreuses adaptations et a vu le jour dans de nombreuses cultures, mais la metteuse en scène y a injecté une valeur totalement contemporaine. D’un point de vue esthétique, nous pouvons noter le choix des couleurs blanche et bleue pour symboliser respectivement “les constructeurs du futur” et l’eau. Elle a également conçu des décors essentiels avec l’arche qui est représentée comme un passage, par un trou noir. Nous pouvons par conséquent souligner le travail indispensable du chef des lumières Andrea . Aussi, les costumes ont été confectionnés comme des synecdoques puisqu’un élément symbolique représente un animal. En outre, Silvia Costa a mis l’accent sur l’utilisation d’accessoires pour donner vie au décor du bateau, qui se déploie grâce aux impulsions des acteurs sur scène.                                        

Le fait de faire coïncider le mythe du déluge avec le réchauffement climatique est possible mais ce n’est pas non plus le but de la jeune femme ! 



Marie Gouzonnat

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